CINÉMA Metz : l’« alternative » Equateur par Pierre Carles et Nina Faure

Nina Faure, co-réalisatrice (avec Pierre Carles) de deux films-documentaires sur l’Équateur et son président progressiste de gauche, Rafael Correa, sera à Metz ce jeudi pour présenter « On revient de loin ».
Sébastien BONETTI. - 09 janv. 2017 à 14:00 - Temps de lecture :
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« On a deux points de vue de réalisateurs différents.   On n’est pas d’accord sur tout avec Pierre Carles, et ça se voit à l’image », explique Nina Faure.  Photo Droits réservés
« On a deux points de vue de réalisateurs différents. On n’est pas d’accord sur tout avec Pierre Carles, et ça se voit à l’image », explique Nina Faure. Photo Droits réservés

Nina Faure se prépare à une tournée en Lorraine. Mercredi 11 janvier, à 20 h, à l’IRTS (Institut régional du travail social) de Nancy (entrée : 2 €), jeudi 12 janvier, à 20 h 15, au cinéma Caméo-Ariel de Metz (de 5,40 € à 7,70 €), et vendredi 13 janvier, à 20 h 30, au Kinepolis de Longwy (de 7,40 € à 8,90 €), la co-réalisatrice, avec Pierre Carles, d’« On revient de loin » présentera son documentaire sur l’Équateur. Rencontre.

On revient de loin est la suite d’« Opération Correa » ?

Nina FAURE : « Oui. Dans le premier, on montrait la venue du président de l’Équateur Rafael Correa en France, que nos médias ont totalement passé sous silence, alors que c’est un chef d’État, économiste réputé et francophone. Pourquoi ? Car ces médias choisissent les sujets qu’ils ne souhaitent pas aborder, et notamment les expériences progressistes latino-américaines. Ils parlent des dérives autoritaires ou des échecs dans ces pays, mais jamais des tournants antilibéraux qu’ils peuvent connaître, comme l’Équateur. Cela montre, une fois de plus, que chez nous, il y a dans les médias une uniformité de la position politique, qu’on pourrait qualifier de sociale-démocrate-libérale. Ils rejettent les économistes hétérodoxes. »

Rafael Correa s’était en effet penché sur la dette de son pays ?

« Il a réalisé en 2007-2008 un audit public de la dette, pour découvrir qu’une grande partie était en fait illégitime, c’est-à-dire que des prêts avaient été contractés à des taux d’intérêt trop élevés, ou ne bénéficiaient pas à l’ensemble de la population (notamment ceux qui ont été contractés sous la dictature). Il a donc décidé de ne pas payer cette part. »

Il a également souhaité revoir le modèle médiatique ?

« Rafael Correa s’est aperçu que quand des hommes politiques arrivent au pouvoir, ils font face généralement à des consortiums possédant les médias, et défendant les intérêts des privés. Il a donc imaginé créer une télévision publique, et répartir les médias comme suit : 1/3 de publics, 1/3 de privés, et 1/3 de communautaires. »

Qu’est-ce que ça permet ?

« Notamment d’avoir d’autres discours que celui, dominant chez nous par exemple, qui prétend que l’austérité, la casse des services publics, etc. sont les seules solutions, alors que l’augmentation de notre dette n’est pas due à l’augmentation des dépenses publiques, mais est liée à la baisse des recettes, conséquence des cadeaux fiscaux faits aux plus riches, aux grandes entreprises. En ça, l’histoire de l’Équateur peut servir d’alternative. »

Dans le premier film, vous sembliez présenter beaucoup d’aspects positifs de l’Équateur, et très peu de négatifs.

« On est partis sans trop d’a priori, en se laissant porter par l’actualité. Qui était par exemple la mise en place de la plus forte taxation de l’héritage au monde, pour réduire le poids des dynasties, et donc des inégalités. On a aussi appris que Correa était opposé à l’avortement, ou, pour permettre de financer le pays, mettait en place des exploitations pétrolières ou minières en territoire indigène. Mais la plupart des pays au monde font ça. Si on fait ce procès à l’Équateur, on doit le faire à la France, etc. et se poser la question de notre modèle de développement.

À côté de ça, il a lancé un grand plan de construction de centrales hydroélectriques pour réduire l’importation de gaz. Il souhaite rompre avec l’histoire coloniale, qui a vu l’exploitation des matières premières par les puissances occidentales et leurs multinationales, au profit unique de ces derniers. »

« On cherche à faire des films déséquilibrés,
qui vont contre les idées reçues »

De la réalisatrice Nina Faure, qui présentera en Lorraine « On revient de loin ». Et qui ajoute : « On assume notre absence d’objectivité, puisque cette dernière n’existe pas. On taxe la plupart du temps de "militants" les points de vue situés à gauche. Mais David Pujadas [présentateur du journal télévisé de France 2, NDLR] est également militant par les sujets qu’il ne souhaite pas présenter, et ceux qu’il présente. Tout le monde a un point de vue, même Léa Salamé [chroniqueuse télé NDLR)] Tout le monde est donc militant, même ceux qui défendent le système en place. »